Droits de timbre et TVA: explications au sujet des croissants
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Les actifs financiers sont comme des bons à valoir et les croissants en constituent la contrevaleur
Une action est un actif financier, c’est-à-dire le reflet purement pécuniaire d’un actif réel. Elle n’est rien d’autre qu’un bon à valoir contre une part d’une entreprise. Le reflet pécuniaire d’un croissant est son prix de vente, que vous payez selon toute vraisemblance avec une pièce de monnaie – qui est également un bon à valoir. Si vous deviez acquitter la TVA sur l’achat de ce bon, vous seriez doublement taxé, car l’échange du bon contre le croissant est aussi soumis à la TVA. L’achat du bon n’est rien d’autre qu’une opération de change. Et il en va de même de l’action et de tous les autres instruments financiers : ce sont des bons qui représentent en fin de compte des actifs réels sur lesquels la TVA a déjà été prélevée. Le droit de timbre est donc une deuxième imposition pesant sur le même actif.
Les actifs financiers sont des investissements, les croissants sont des biens de consommation
La TVA vise à taxer la consommation de biens et de services. Un croissant est le résultat d’une création de valeur, il est – littéralement – consommé et donc soumis à la TVA. Les actifs financiers, eux, ne se consomment pas, au contraire : ils stockent du capital d’épargne et d’investissement en vue de produire des biens et des services. Le capital est donc de la consommation différée, il est la source de la création de valeur. Aussi le consommateur est-il assujetti à la TVA, et l’épargnant au droit de timbre. Mais le capital d’épargne d’aujourd’hui est la consommation de demain. C’est une des raisons pour lesquelles le droit de timbre conjugué à la TVA revient à imposer le même actif deux fois, à deux moments différents.
Les actifs financiers sont exonérés d’impôts, pas les services financiers
Pour ces raisons, les actifs financiers sont pratiquement partout exonérés de TVA et de droits de timbre, seule la Suisse fait bande à part. Et cette exonération n’a rien à voir avec les banques: d’ailleurs ce ne sont pas elles qui versent ces taxes, elles servent uniquement de courroie de transmission entre les épargnants et le fisc. En revanche, contrairement aux actifs financiers (p. ex. les actions), les services financiers (p. ex. le conseil en placement) sont souvent soumis à la TVA normale : ce sont des actifs réels « consommables » qui, en tant que tels, sont traités exactement comme des croissants.
Eviter la double imposition est une volonté politique
Par ailleurs, l’exonération fiscale des actifs financiers s’explique également par des motifs politiques. Imposer le capital d’épargne pèse par exemple sur la prévoyance vieillesse. Si le croissant se consomme sur le champ, la consommation différée (épargne) mérite en général une récompense. Fabriquer ce croissant (investissement) crée en outre de l’emploi et des revenus, par exemple pour le boulanger ou pour son personnel, alors que le manger (consommation) ne crée rien du tout.
Le droit de timbre d’émission et la TVA ne sont guère comparables
Le droit de timbre d’émission, sur lequel nous nous prononcerons le 13 février prochain, est encore moins comparable à la TVA que le droit de timbre de négociation. Il pèse sur la première émission de capital propre, alors que le droit de timbre de négociation pèse ensuite sur l’achat et la vente d’instruments financiers. Il s’applique donc indépendamment de tout achat ou de toute vente, contrairement à la TVA et au droit de timbre de négociation. En effet, on peut notamment émettre du capital-actions par simple conversion de bénéfices au sein de l’entreprise.
Les taxes sur la consommation sont plus durables que les taxes sur l’investissement
Les investissements sont donc la consommation de demain, comme les actifs financiers sont les prix d’achat de demain. Mais cela ne met pas seulement en lumière la double imposition du même actif (réel ou pécuniaire) par les droits de timbre et la TVA. Cela montre aussi ce qui est plus durable : si l’on ne veut pas imposer et l’investissement (four), et la consommation (croissants), mieux vaut préserver l’investissement (suppression du droit de timbre) et permettre ainsi la consommation (maintien de la TVA). Il n’en résulte pas moins davantage de prospérité pour tout le monde : le boulanger peut s’acheter un meilleur four à coût égal, vendre plus de croissants à plus de consommateurs, et employer ainsi plus de personnel. En fin de compte, le fisc aussi est gagnant, dans la mesure où la suppression d’une taxe sur les investissements est pour lui-même un investissement.
Cette comparaison montre que le droit de timbre est une idée saugrenue en ce qui concerne les croissants. Que les croissants et les actifs financiers ne sont pas simplement des « produits », mais qu’ils diffèrent par nature. Que les actifs financiers sont avant tout des bons, comme les pièces de monnaie, et que leur achat n’est qu’une opération de change. Que le droit de timbre conjugué à la TVA revient à imposer le même actif deux fois, à deux moments différents. Et surtout, que le droit de timbre d’émission ne saurait se substituer à la TVA. Régalez-vous de votre prochain croissant !