Opinions
30.06.2021

Lost in Translation? – Voici une fonction à ne pas négliger pour faire aboutir vos projets d’IA

Selon le cabinet de conseil et de recherche Gartner*, environ 50 % des entreprises auront des difficultés à réaliser leurs projets dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Manque de compétence du personnel en la matière, méconnaissance des avantages et des limites de l’IA, problèmes liés aux données (p. ex. silos de données), telles sont les raisons les plus fréquemment citées. 

L’intelligence artificielle comme sport d’équipe

De nombreuses entreprises ont déjà mis en place des équipes et des services dédiés à l’analyse de données, qui rassemblent divers acteurs aux profils professionnels variés. Les projets d’IA, pour réussir, nécessitent en effet dans bien des cas non seulement des data scientists compétents, mais aussi des équipes agiles, pluridisciplinaires, qui couvrent le large spectre des aptitudes requises: data visualisation experts, data engineers, machine learning engineers, user experience designers, sans oublier des spécialistes issus des différents domaines d’activité concernés. Une fonction absolument essentielle à cet égard, mais souvent négligée, est celle des analytics translators.

Les analytics translators, traits d’union entre data science et business

La notion d’analytics translator a été forgée par le cabinet McKinsey et décrite pour la première fois en 2018, dans un article de la Harvard Business Review (HBR). Les analytics translators jouent un rôle décisif lorsqu’il s’agit de traduire les enjeux d’un domaine d’activité dans des cas d’usage de l’IA. Un des prérequis importants concernant ce profil professionnel est que la personne doit être à l’aise dans les deux univers – celui de la banque et celui des données –, parler leur langage et connaître leurs spécificités. Les analytics translators doivent disposer d’un solide savoir-faire bancaire et maîtriser le domaine, tout en étant capables de comprendre les concepts fondamentaux de la statistique et de la science des données, de les interpréter et de les appliquer correctement.

Que font les analytics translators?

Les analytics translators aident les entreprises qui démarrent un projet d’IA à se poser les bonnes questions et à identifier les problématiques susceptibles d’être résolues à l’aide des technologies de l’IA. Une erreur fréquente consiste à se focaliser d’emblée sur une nouvelle technologie et à rechercher des possibilités d’application de cette technologie. C’est une approche rarement couronnée de succès. Il est bien plus pertinent d’analyser d’abord les besoins et les enjeux du domaine concerné, puis de déterminer ensuite la technologie adaptée.

Deux autres tâches importantes incombent aux analytics translators: classer judicieusement les cas d’usage par ordre de priorité et concentrer les ressources disponibles sur les applications à plus fort impact – sachant que cet impact ne se mesure pas seulement à l’aune de critères financiers, mais aussi au regard d’autres éléments, notamment les besoins et l’adhésion des client.e.s, le caractère innovant de l’application, la probabilité de succès et la faisabilité, les conditions-cadres réglementaires et la scalabilité.

En outre, l’accompagnement global des projets d’IA par des analytics translators constitue également un facteur clé de succès. Cet accompagnement de bout en bout prend fin au plus tôt lorsque l’application entre en phase de production. Mais même à ce stade, il est important de mesurer sa performance en permanence et, si possible, de la faire évoluer en conséquence.

Quelles aptitudes et quelle expertise doivent posséder les analytics translators?

Une des exigences majeures est de disposer de compétences spécialisées dans le domaine d’activité concerné. S’agissant de l’analyse de données et des projets d’IA dans le secteur financier, cela implique en particulier une connaissance approfondie du contexte réglementaire, dont notamment les prescriptions relatives au secret bancaire et à la protection des données. En outre, les analytics translators doivent pouvoir s’appuyer sur de très solides compétences techniques et maîtriser les méthodes courantes de l’IA, de la science des données et de la statistique.

Avoir de l’expérience dans différentes méthodes de gestion de projet (approches classiques, agiles et hybrides) est également un atout dans le cadre de projets d’IA. Ces derniers étant souvent très exigeants en termes d’innovation, il est très utile enfin que les analytics translators sachent faire preuve d’esprit d’entreprise et connaissent concrètement des approches comme le design thinking ou le value proposition design.

Le guide de l’ASB relatif à la gestion des données dans les activités bancaires courantes: un outil au service des analytics translators

L’Association suisse des banquiers (ASB) a publié début juin 2021 un guide relatif à la gestion des données dans les activités bancaires courantes. Ce guide, qui aborde un grand nombre des aspects susmentionnés, donne aux futurs analytics translators un bon aperçu du cadre juridique ainsi que des mesures techniques et organisationnelles à prendre en compte en relation avec les données et les projets d’IA dans le secteur financier.

Pour les banques, les questions qui se posent ne s’arrêtent pas à l’analyse de données et aux applications d’IA en résultant, elles concernent aussi l’éthique et les enjeux d’une gestion responsable des données. Le guide de l’ASB ne manque pas d’aborder ces sujets et ces problématiques d’une actualité brûlante, en proposant des pistes de réflexion et d’action.

*le cabinet de conseil et de recherche Gartner

L’auteur

Christian Diethelm-Spiss est Head AI Corporate Banking chez UBS Switzerland SA. Il est coauteur du guide de l’ASB relatif à la gestion des données dans les activités bancaires courantes.

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Rédacteurs

Christian Diethelm-Spiss
Head AI Corporate Banking, UBS Switzerland AG