L’emploi dans le secteur bancaire: mutation et disruption, mais stabilité
L’emploi dans le secteur bancaire suisse revient de manière récurrente au centre du débat public. Les médias, en couvrant amplement les vagues de licenciements et la hausse du chômage, renvoient une image d’incertitude croissante, en particulier après la reprise de Credit Suisse par UBS ou dans le cadre des débats réglementaires actuels. Des données de la Direction de l’économie publique du canton de Zurich montrent en outre que le personnel bancaire sans emploi atteint en ce moment un niveau record. Pourtant, le Baromètre bancaire 2025 de Swiss Banking fait état de chiffres stables en matière d’emploi. Ce décalage apparent soulève des questions quant à l’évolution réelle de l’emploi bancaire dans la période de mutation et de disruption que nous connaissons.
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Martin Hess, économiste en chef de l'ASB et auteur de l'article, s'entretient avec Ramona Buess, collaboratrice dans le domaine de la politique économique, au sujet de la situation de l'emploi dans le secteur bancaire.
Fact-checking: l’évolution de l’emploi dans le secteur financier en Suisse
Secteur bancaire 
On entend par «effectifs du secteur bancaire» l’ensemble des personnes employées dans des établissements bancaires. Le nombre des équivalents plein temps en Suisse est passé de 104 053 en 2014 à 94 347 en 2024 1 (voir graphique). Le recul à 91 904 enregistré en 2017 résulte d’un effet statistique consécutif à une externalisation de personnel effectuée par une grande banque vers une société de services séparée. Depuis lors, les effectifs n’ont cessé d’augmenter – en dépit des taux d’intérêt négatifs, de la pandémie et de la reprise de Credit Suisse par UBS.  
 Secteur des services bancaires 
Le secteur des services bancaires englobe, outre le secteur bancaire, les activités liées à des services financiers, en particulier les bourses de valeurs mobilières et de marchandises, les transactions à terme, la gestion de fonds d’investissement et de fonds de pension, la gestion de fortune ainsi que les services fiduciaires et de conservation. Ses effectifs sont passés de 145 100 en 2014 à 159 500 en 2024 2, soit une augmentation d’environ 9,9 % qui montre l’importance croissante de ce domaine spécialisé. 
 Secteur financier 
Le secteur financier englobe, outre le secteur des services bancaires, les entreprises d’assurance et de réassurance, les caisses de pension ainsi que les activités liées à des services d’assurance. Ses effectifs sont passés de 214 590 en 2014 à 226 944 en 2024, ce qui correspond à une hausse d’environ 5,8 % 3. Sa contribution à l’emploi national global est restée quasiment constante à 5 % – un indicateur du rôle central de la place financière pour le marché suisse de l’emploi. 
Sources: BNS, BAK, OFS
Une attention excessive aux événements à court terme déforme la vue d’ensemble
Comme le montre le fact-checking, l’emploi en Suisse affiche une santé réjouissante en dépit des turbulences du moment. Selon l’enquête de Swiss Banking sur l’emploi bancaire, cette tendance devrait perdurer au cours des prochains mois.
L’image souvent pessimiste renvoyée vers le public s’explique par l’influence de facteurs temporaires sur la couverture médiatique. Les médias se focalisent volontiers sur des événements ponctuels, par exemple les vagues de licenciements consécutives à des reprises d’entreprises ou à des fermetures de filiales. Ainsi, ils ne manquent pas d’insister sur le fait que dans le sillage de la reprise de Credit Suisse par UBS, depuis l’été 2023, quelque 14 000 emplois (en équivalents plein temps) ont été supprimés en Suisse et à l’étranger. Mais selon Natalia Ferrara, Vice-Présidente de l’Association suisse des employés de banque (ASEB), environ deux tiers des collaboratrices et des collaborateurs concernés ont déjà retrouvé un emploi au sein d’UBS ou en dehors dans le cadre du plan social en cours. Ces évolutions entraînent à court terme une volatilité qui se reflète dans les chiffres trimestriels publiés par l’Office fédéral de la statistique.
Au-delà de tels événements ponctuels, la mutation structurelle pérenne en cours n’est pas sans effets sur la situation de l’emploi dans le secteur des services bancaires. Par exemple, dans un monde de plus en plus numérisé, les sites physiques voient leur importance décliner. En parallèle, de nouveaux postes se créent, notamment dans les domaines de l’informatique, de l’analyse de données, de la gestion de fortune numérique, des coopérations FinTech, qui compensent un potentiel recul de l’emploi. Or cette hausse progressive des effectifs ne trouve souvent pas écho dans les médias.
De manière générale, il apparaît que les restructurations ponctuelles et l’intense traitement médiatique dont elles font l’objet ne reflètent pas nécessairement l’évolution de l’emploi à long terme. Malgré un processus d’adaptation dynamique et quelques événements disruptifs, l’emploi reste stable dans le secteur bancaire suisse, ce qui souligne l’adaptabilité de la branche, sa capacité d’innovation et sa résilience.
[1] BNS (2025). Effectifs ventilés selon le sexe en Suisse et à l’étranger
[2] BAK (2024). L’importance économique du secteur financier suisse
[3] OFS (2025). Emplois en équivalent plein temps par division économique (NOGA 64-66)