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04.05.2022

En quoi la fiscalité peut contribuer au développement durable – ou pas

Le développement durable joue aujourd’hui un rôle croissant, que ce soit sous l’angle écologique, économique ou social. Même la politique fiscale n’échappe pas à cette tendance. Faisons le point pour voir en quoi la fiscalité peut contribuer au développement durable – ou pas. 

Les fonds publics ne suffiront pas à financer le développement durable et les objectifs climatiques de l’Accord de Paris ; il faudra impérativement mobiliser des fonds privés. Dès lors, il est de plus en plus important d’orienter le système financier vers ces objectifs. Fortes de ce constat, diverses instances internationales, comme le Forum de stabilité financière, ont pris des initiatives qui contribuent grandement à la publication des risques climatiques. Des organisations internationales multiplient elles aussi les initiatives, notamment le FMI, l’OCDE et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Par ailleurs, dans le cadre de l’Accord de Paris, la communauté internationale s’est engagée à rendre les flux financiers compatibles avec un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques (article 2.1.c). La Suisse a ratifié cet accord et entend le transposer notamment dans sa loi sur le CO2. Les banques sont conscientes du potentiel du développement durable et travaillent sur la question à différents niveaux. Nous examinerons ci-après en quoi la fiscalité peut contribuer au développement durable – ou pas.

Durabilité de la source des impôts

Les impôts étant des coûts, ils renchérissent leur source. Les taxes visant à influer sur les comportements indésirables au moyen du prix sont appelées taxes incitatives. Ainsi, la taxe sur les carburants pénalise les automobilistes, la taxe sur le tabac et celle sur l’alcool dissuadent de consommer ces produits. Il convient toutefois de bien doser ce but incitatif et de toujours le séparer des autres buts, car ceux-ci peuvent aller à son encontre. Par exemple, les impôts à but budgétaire visent à remplir les caisses de l’Etat, tandis que ceux à but redistributif allouent des sommes d’argent à certaines personnes au détriment d’autres. Mais un impôt qui conjugue but incitatif et autres buts est inadéquat. En effet, plus la source est asséchée en raison de l’incitation à privilégier d’autres sources, moins elle rapporte d’argent et moins il y a à redistribuer. Seuls les impôts purement incitatifs, comme la taxe sur le CO2 prélevée sur les combustibles fossiles, constituent donc un domaine d’application pertinent pour promouvoir le développement durable. De plus, il faut prendre en compte les conséquences sociales de ces conflits d’objectifs. Rendre la mobilité plus chère risque ainsi de favoriser le développement durable au plan environnemental (aspect «E» des critères ESG) mais pas au plan social (aspect «S» des critères ESG). Les impôts incitatifs, qui consistent à trancher dans des conflits de valeurs, sont donc de nature purement politique. Les décisions correspondantes ne relèvent pas de la politique fiscale. On retiendra cependant ce qui suit : les impôts incitatifs, par exemple la taxe sur le CO2 prélevée sur les combustibles fossiles, peuvent contribuer à la durabilité écologique et être considérés comme des flux financiers indirects au sens de l’Accord de Paris sur le climat. En vue d’assurer la durabilité de la source des impôts, il faut se focaliser sur les impôts purement incitatifs.

Durabilité de l’utilisation des impôts

Les impôts sont des paiements sans contre-prestation directe. Les contre-prestations de l’Etat en faveur des citoyennes et des citoyens ne sont qu’indirectes, définies par la politique publique en matière de dépenses. En résumé et dans un premier temps, les impôts sont donc dus dès lors que la loi le prévoit. Ce principe simple est parfaitement suffisant, car les impôts ne sont rien d’autre qu’un transfert de propriété (unilatéral) à l’Etat. Une fois le transfert effectué, l’utilisation qui en est faite est une toute autre question : la politique fiscale et la politique de dépenses sont deux choses différentes. Le découplage entre prestation et contre-prestation est essentiel, puisque les impôts visent précisément à faire ce que le marché ne fait pas par l’échange volontaire. En outre, les contribuables ne sont pas toujours des nationaux, et seuls ces derniers déterminent la politique de dépenses. Sinon, les étrangères et les étrangers en Suisse ne paieraient pas d’impôts, alors que les Suissesses et les Suisses expatriés à l’étranger en paieraient. Il y a donc de bonnes raisons de dissocier politique fiscale et politique de dépenses. Si les impôts incitatifs ne rapportent pas d’argent, l’utilisation (durable) des impôts à but budgétaire relève donc non pas de la politique fiscale, mais de la politique de dépenses.

Durabilité du prélèvement des impôts

Reste à se demander s’il pourrait y avoir une place pour le développement durable au niveau du prélèvement des impôts. L’aspect majeur à cet égard est l’efficacité économique. Certes, le recouvrement de l’impôt en Suisse présente encore un potentiel d’amélioration, par exemple via la numérisation. Mais ce qui est primordial en matière d’imposition, c’est moins des procédures durables que des objets durables. Dès lors, la Suisse doit devenir plus durable sur le plan économique ! Car avec les droits de timbre et l’impôt anticipé, elle a institué pas moins de deux taxes qui renchérissent précisément ce qu’il ne faudrait pas renchérir : les investissements. Dans le même temps, la suppression d’une taxe sur les investissements est elle-même un investissement, car elle s’amortit par davantage d’impôts sur davantage de prospérité. Les droits de timbre et l’impôt anticipé sont donc des exemples parfaits d’une politique fiscale économiquement non durable. Sur ce point, les questions de développement durable ont une large place à occuper.

En quoi la fiscalité peut contribuer au développement durable

L’approche ESG vise à tarifer et intégrer les impacts externes dans les activités de l’économie réelle, de manière à influer sur le comportement des acteurs économiques. Mais pour prendre le problème à la racine, il faudrait que ces mesures suivent les principes de l’économie de marché. C’est le seul moyen d’éviter le dilemme des investissements, c’est-à-dire le choix nécessaire entre durabilité et attractivité financière. Certains éléments fiscaux sont de nature à favoriser la transition vers une économie durable. Mais cela requiert un système qui connaisse les effets incitatifs sur l’économie, qui les dissocie scrupuleusement et qui les utilise à bon escient. Car les impôts ne sont jamais que le reflet de la réalité économique, raison pour laquelle ils ne sauraient intégrer parfaitement les impacts externes. Dans certaines situations, les taxes incitatives peuvent donc tout à fait être envisagées comme des flux financiers indirects au sens de l’Accord de Paris sur le climat. Mais elles sont au premier chef un instrument du policy mix global et doivent être bien pensées et bien dosées avant d’être mises en œuvre. La taxe incitative sur le CO2 prélevée sur les combustibles fossiles constitue un exemple concret à cet égard.

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