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25.03.2021

Le Brexit et l’accord institutionnel: des effets indirects sur la gestion de fonds et l’Asset Management en Suisse

L’accès au marché de l’Union européenne (UE) est un enjeu crucial pour la Suisse. Les controverses actuelles sur l’accord institutionnel donnent l’impression que de nombreux protagonistes insistent sur ce que la Suisse ne devra pas faire, en oubliant d’évoquer ce qu’elle devrait faire pour avancer de manière constructive sur la question européenne. Que penser de ces débats par rapport au secteur des services financiers et, en particulier, de l’Asset Management?

Marché intérieur et libre-échange sont deux choses différentes

L’UE établit une distinction claire entre la participation (même partielle) au marché intérieur et l’accord de libre-échange. L’ampleur de la coopération dans le cadre de ces deux modèles, de même que les avantages économiques en résultant, ne sont pas comparables. Un accord de libre-échange entre l’UE et un Etat tiers élimine les barrières douanières et les restrictions quantitatives, mais laisse intactes d’autres entraves commerciales génératrices de coûts. En revanche, la participation d’un Etat tiers au marché intérieur permet une intégration partielle de cet Etat dans le cadre juridique européen, éliminant ainsi un plus grand nombre d’entraves commerciales.

Transposer le droit européen procure des avantages

Les prestataires suisses de services financiers n’ont juridiquement aucun droit de fournir des prestations transfrontalières dans l’UE. En outre, les réglementations nationales se révèlent de plus en plus protectionnistes. En transposant par analogie les règles de la Directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) dans son propre droit des marchés financiers, la Suisse a largement repris le droit européen. Cette solution présente certes des lourdeurs bureaucratiques, mais c’est la moins onéreuse, car toute règle divergente crée des entraves commerciales qui renchérissent les coûts. La Suisse a introduit précisément les règles et les normes que notre secteur financier doit respecter de toute façon pour exporter vers l’UE. Parce que nous sommes une petite économie, nous avons besoin de pouvoir proposer nos produits et nos services financiers à l’étranger.

La Suisse a introduit précisément les règles et les normes que notre secteur financier doit respecter de toute façon pour exporter vers l’UE.

L’Asset Management transfrontalier pour le compte de clients institutionnels se heurte à moins d’obstacles nationaux. En vertu du Règlement européen sur les marchés d’instruments financiers (MiFIR), ces prestations peuvent être fournies à partir de la Suisse dès lors que sa législation est reconnue comme équivalente et qu’un accord de coopération entre les autorités de surveillance a été conclu. Le passeport européen permet alors de servir les clients institutionnels dans l’ensemble de l’UE et de l’EEE. Toutefois, les décisions requises en matière d’équivalence n’ont toujours pas été prises par l’UE.

Afin d’assurer la compétitivité internationale de la place financière suisse pour l’avenir, notre droit des marchés financiers doit être en conformité avec les normes réglementaires internationales. C’est particulièrement important pour l’Asset Management, dans la mesure où ce marché ne connaîtra qu’une faible croissance nationale ces prochaines années. En revanche, les prévisions de croissance pour le marché international et les services financiers transfrontaliers sont nettement meilleures, compte tenu surtout de la démographie et de la hausse constante de l’espérance de vie ainsi que des enjeux financiers en résultant pour les institutions de prévoyance. Une partie substantielle des produits et des services suisses d’Asset Management étant exportée vers l’UE, il est indispensable pour notre pays d’aligner sa réglementation sur la réglementation européenne.

La question européenne est une gageure pour la Grande-Bretagne et la Suisse

S’agissant des accords bilatéraux que chapeautera l’accord institutionnel, l’enjeu pour la Suisse est de s’assurer un accès aussi peu discriminatoire que possible à son principal débouché: le marché intérieur de l’UE, qui est un pilier porteur de notre prospérité. Or les conditions d’accès à ce marché ne cessent de se détériorer, car nous n’arrivons plus à mettre les règles à jour en permanence.

Le fait que la Grande-Bretagne ne sache toujours pas quelles règles précises régiront ses relations avec l’UE après le Brexit montre toute la fragilité des éléments factuels sur lesquels les Britanniques se sont appuyés en optant pour la sortie de l’UE en 2016. Et il serait illusoire de penser que l’on a mis un point final à la question européenne le 31 décembre 2020, car celle-ci restera prégnante en Grande-Bretagne pendant des années encore. Tout le processus du Brexit prive le gouvernement britannique du temps et de l’énergie nécessaires pour empoigner diverses réformes qui s’imposent par ailleurs. Ces considérations valent aussi pour la Suisse et pour ses relations avec l’UE, qui sont dans l’impasse: ce qui manque bien souvent, c’est une vision d’ensemble, sans compter que des intérêts particuliers empêchent de résoudre la question européenne en respectant à la fois l’objectif et l’intérêt général.

la question européenne ... restera prégnante en Grande-Bretagne pendant des années encore.

Pour les deux pays, il s’agit de trouver un compromis entre souveraineté et accès au marché intérieur de l’UE. A cet égard, une majorité de la population devrait être disposée à payer un prix économique pour restaurer (Royaume-Uni) ou préserver (Suisse) la (prétendue) souveraineté. Reste à savoir quel est le prix acceptable.

La conclusion de l’accord institutionnel passe par un rapprochement des fronts

Les milieux économiques attendent du Conseil fédéral qu’il procède à une analyse globale quand la clarification des questions en suspens concernant l’accord institutionnel aura abouti – et ils devront faire de même de leur côté, car le climat d’incertitude qui entoure la politique européenne nuit à notre place économique ainsi qu’à la crédibilité de la Suisse en matière de politique extérieure. Hélas, le chemin est encore long. Tant que l’on peut parler sans conséquences tangibles de la voie à suivre sur le terrain européen, on peut aussi employer des mots creux remplis d’espoirs, d’attentes et de souhaits. Selon toute vraisemblance, cela ne changera guère ces prochains temps. On s’attache davantage à remporter des élections et des votations qu’à résoudre les problèmes, la polarisation et la cristallisation de positions extrêmes rendent tout compromis difficile et les attaques personnelles tiennent lieu de débat objectif. Des solutions efficaces seront à portée de main uniquement si l’on parvient à remédier à cette situation.

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