Opinions
04.06.2021

Loi sur le CO2: un investissement durable?

Qu’ont en commun la politique climatique et la constitution de fortune ? Plusieurs facteurs clés de réussite: une analyse rigoureuse, une stratégie à long terme et la volonté de prendre des décisions. La loi révisée sur le CO2 intègre ces facteurs et mérite d’être soutenue par les électrices et les électeurs le 13 juin.
Article de Sven Bisang

Avez-vous parlé de politique climatique lors de votre dernier entretien avec votre conseillère à la clientèle de votre banque ? Certainement pas. Moi non plus d’ailleurs. Sans doute avez-vous préféré examiner de près votre portefeuille ainsi que sa performance financière depuis votre dernière rencontre. Une analyse classique de la situation, en somme. Car au bout du compte, il s’agit d’investir votre fortune sur la base de faits et de données tangibles, afin de minimiser les coûts éventuels – les pertes comme les manques à gagner.

Ensuite, vous avez probablement évoqué votre stratégie de constitution de fortune à long terme, en gardant en ligne de mire la situation actuelle et les scénarios possibles pour l’avenir. La planification retenue est-elle toujours conforme à vos besoins? Telle était la question. Et enfin, vous avez dû prendre des décisions de placement. Car il n’y a que vous, la cliente, qui puissiez le faire pour organiser une constitution de fortune durablement fructueuse.

La politique climatique, c’est aussi une constitution de fortune durable

Les facteurs de réussite d’une politique climatique durable et d’une constitution de fortune durable présentent des ressemblances frappantes. Dès lors, l’expérience des entretiens de clientèle que vous avez eus avec votre conseillère bancaire est riche d’enseignements pour la votation à venir sur la loi révisée sur le CO2.

La politique climatique de notre pays vise à faire en sorte que la Suisse reste vivable pour les générations futures – de la même manière que de nombreux investisseuses et investisseurs sont attentifs à la fortune qu’ils laisseront à leurs héritiers. Pourtant, les faits sont là: les émissions de CO2 générées par l’homme compromettent cet objectif. Il est donc bon de nous investir pour réduire ces émissions, et nous ne sommes pas les seuls à le faire. L’Accord de Paris sur le climat, en 2015, a conféré à cet enjeu une dimension internationale.

Mais la Suisse applique-t-elle une stratégie prometteuse à long terme en matière de politique climatique? Comme pour se constituer une fortune, il est essentiel d’investir sur la base des informations dont on dispose aujourd’hui, mais en adoptant une approche prospective. Les scientifiques considèrent que le changement climatique recèle un énorme potentiel de nuisance. Les mesures visant à réduire les émissions de CO2 sont donc pertinentes y compris sur le plan économique, puisqu’elles réduiront les coûts futurs. La loi révisée sur le CO2 prévoit que les pollueurs devront payer davantage. Les taxes encaissées serviront notamment à encourager les énergies renouvelables et la rénovation de bâtiments. Ces investissements renforceront la création de richesse dans notre pays en diminuant les coûts du changement climatique.

Les nouvelles taxes sur le CO2 nuiront-elles à mes placements financiers?

Les nouvelles taxes sur le CO2 pèseront sur le potentiel de rendement des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre. Toutefois, cet effet devrait être de courte durée: ces entreprises pourront en effet adapter leurs modèles d’affaires pour produire de manière plus écologique et réduire ainsi leurs taxes sur le CO2. La loi révisée sur le CO2 favorise le développement de nouvelles technologies et offre de nouvelles possibilités d’investissement. Il apparaît en outre que les placements durables permettent de dégager des rendements équivalents, voire supérieurs aux placements conventionnels. Pour les investisseuses et les investisseurs conscients des enjeux du moment, la loi révisée sur le CO2 présente donc nettement plus d’opportunités que de risques.

Et quels impacts la loi révisée sur le CO2 aura-t-elle sur le secteur financier?

La loi révisée sur le CO2 reprend l’ambition de l’Accord de Paris sur le climat de réorienter les flux financiers vers les activités durables. Or les flux financiers ne font que refléter les émissions de l’économie globale. Economiquement, il est donc judicieux de faire payer la pollution aux pollueurs (c’est-à-dire d’en internaliser les coûts) et de récompenser les comportements respectueux de l’environnement. C’est précisément ce que prévoit la loi révisée sur le CO2.

Par ailleurs, cette dernière oblige la FINMA et la BNS à évaluer et publier régulièrement les risques financiers microprudentiels et macroprudentiels résultant du changement climatique. C’est une démarche comparable à l’information sur les risques inhérents à votre portefeuille, que vous doit votre conseillère à la clientèle. Le secteur bancaire y est favorable, car cette mesure améliore la transparence et, par là même, la gestion des risques et la stabilité de la place financière.

Dans le même temps, les milieux politiques reconnaissent les efforts de la branche en matière de finance durable et ont expressément renoncé à introduire des interdictions au niveau législatif. L’optique est plutôt d’encourager les mesures volontaires et de renforcer ainsi la compétitivité de la place financière suisse dans ce domaine d’affaires dynamique, en croissance et âprement disputé à l’échelon international.

Dire OUI, c’est bon pour le climat et pour la place financière

En matière de constitution de fortune comme de politique climatique, une analyse rigoureuse et une stratégie à long terme sont indispensables au succès. A mes yeux, la loi révisée sur le CO2 représente une «possibilité de placement» pertinente, pour ne pas dire nécessaire. Les investissements à court terme sont viables grâce aux différents mécanismes de compensation, leur utilité à moyen terme – c’est-à-dire notre contribution aux efforts internationaux visant à réduire les émissions de CO2 – est potentiellement très importante. En tant qu’investisseuses et investisseurs axés sur le long terme, nous devrions avoir la volonté de voter OUI à la loi révisée sur le CO2 le 13 juin.

Finance durable

Rédacteurs

Sven Bisang
Ancien Responsable Campagnes et projets
+41 58 330 62 83