Opinions
15.09.2020

Sortir du système de retraites à court terme et entrer dans la prévoyance professionnelle durable

Sur la décennie 2009-2018, près de 40 pour cent du financement de la prévoyance professionnelle peuvent être imputés au «troisième cotisant». Outre les employeurs et les employés qui contribuent à la prévoyance professionnelle, on parle du «troisième cotisant» pour désigner les revenus des capitaux placés.

Ce rôle fondamental du troisième cotisant semble hélas fréquemment relégué au second plan, si ce n’est aux oubliettes. Tout est fait pour tenter de déterminer des rendements minimums et ciblés à court terme en fonction des capacités de risque structurelles et financières, à travers des modèles basés sur des hypothèses, afin d’en déduire une stratégie de placement optimale.

Les plus infimes changements apportés aux hypothèses retenues mènent à des stratégies sensiblement différentes avant même que le premier franc n’ait été investi. Comprenez-moi bien: de tels modèles sont utiles, car ils permettent de mieux comprendre le système des caisses de pension. Il serait néanmoins illusoire, voire dangereux, de croire qu’une performance pourrait ainsi être «développée».

Ce qui est décisif pour la sécurité financière des retraités, ce ne sont ni la hauteur du taux de conversion de la part LPP, ni le taux d’intérêt minimal des avoirs de vieillesse. Ce qui est décisif en revanche, c’est le montant du capital d’épargne au moment de l’entrée en retraite et les intérêts réels des avoirs de vieillesse sur toute la période d’activité. Nous parlons ici d’une quarantaine d’années.

Si les rendements du capital sont supérieurs au taux d’inflation et que la caisse de pension est par ailleurs financée selon des principes actuariels, un premier objectif minimal du processus de couverture du capital est atteint. Si la caisse de pension parvient également à participer à la croissance économique par son activité de placement, elle est à même de générer une valeur ajoutée supplémentaire pour ses assurés, supérieure au maintien de leur pouvoir d’achat.

Bien entendu, une stratégie de placement qui allie les principes mêmes de l’investissement tels que la diversification et une approche disciplinée avec les caractéristiques spécifiques de la caisse de pension est nécessaire. Par définition, la gestion des actifs est toujours une gestion des risques, et dans ce contexte, tous les risques matériels doivent être intégrés et pris en compte.

Il convient également de mentionner dans ce contexte que tant les personnes retraitées que les assurés actifs peuvent profiter les uns des autres en termes d’investissement. Les retraités disposent d’un fort capital, et permettent ainsi aux caisses de pension d’investir efficacement, et dans des volumes pertinents, sur les marchés. Avec leur perspective à long terme et les cotisations en cours, les assurés actifs sont importants sur le plan de la capacité de risque. Il n’y a qu’avec eux que des stratégies de placement présentant le potentiel de croissance correspondant peuvent être mises en œuvre.

La relation entre les assurés actifs et les retraités devrait être présentée comme une communauté symbiotique, et en aucun cas considérée comme un problème générationnel. Aujourd’hui, les redistributions systématiques des jeunes vers les personnes plus âgées font obstacle à cette approche, car elles font s’éroder le processus d’épargne des actifs et n’ont par conséquent pas leur place dans un modèle de caisse de pension durable.

L’étude 2020 sur les caisses de pension que vient de publier Swisscanto indique que les caisses de pension sont encore loin de s’être toutes engagées sur une voie durable et d’exploiter le potentiel des placements de capitaux. Il est donc étonnant que les débats actuels sur les réformes de la LPP n’abordent d’aucune manière les conditions-cadres des placements de capitaux. Et pourtant, il est évident que c’est justement là qu’il faut agir pour garantir les retraites sur le long terme.

 

Une réforme digne de ce nom doit se focaliser sur les aspects essentiels, à long terme, et donc durables. Qui donc consentirait à résoudre le financement à court terme seulement, par le biais d’une redistribution, et à traiter les faiblesses du modèle de manière symptomatique par des ajustements politiques? L’approche actuelle ne résout pas les causes du problème et ne renforce pas non plus la confiance dans la prévoyance professionnelle.

Rédacteurs

Hans-Ruedi Mosberger
Responsable Sustainable Finance
+41 58 330 62 61