Opinions
17.06.2022

Stabilité financière: la BNS met en garde tout en faisant preuve d’une nouvelle ouverture

Le rapport de la BNS sur la stabilité financière paru jeudi montre une fois de plus que les banques sont également bien préparées pour faire face à des circonstances difficiles. Le rapport ne dit toutefois rien au sujet des autres acteurs et des sources de risque potentielles. La BNS considère que les prix de l’immobilier sont trop élevés. Le jour de l’augmentation du taux directeur, elle souligne toutefois que la situation des taux d’intérêt était en partie responsable du boom.

Coup de théâtre jeudi: en augmentant les taux d’intérêt pour la première fois depuis 15 ans, la Banque nationale suisse (BNS) a surpris les marchés. La normalisation de la politique monétaire est donc désormais engagée en Suisse également. En augmentant les taux d’intérêt, la BNS donne un signal important et juste à l’économie, et laisse présager que d’autres hausses de taux sont possibles.

Le même jour, la BNS a publié son rapport annuel sur la stabilité financière. Il y apparaît clairement que le revirement des taux d’intérêt n’est qu’un facteur parmi d’autres dans un environnement marqué par de nombreuses incertitudes. Un système financier stable est particulièrement important aujourd’hui.

Des banques stables, d’autres risques occultés par la BNS

Commençons par les bonnes nouvelles: la BNS considère que les deux grandes banques sont résilientes et qu’elles sont en mesure de bien gérer les risques liés à la guerre en Ukraine dans le contexte actuel. Les banques axées sur le marché intérieur sont également solides. Leurs amortisseurs de capital sont également adéquats pour absorber des pertes dans différents scénarios de risque. De plus, leur situation bénéficiaire devrait s’améliorer avec la remontée de la courbe des taux par rapport aux années précédentes.

On pourrait donc penser que tout est stable. Tout? D’une parution à l’autre, le rapport de la BNS se concentre uniquement sur les banques. La BNS passe sous silence d’autres sources de risques potentiels pour la stabilité du système, alors que des organismes internationaux renommés comme le Conseil de stabilité financière tentent justement de comprendre la situation et de localiser les risques. Nous restons par exemple dans le flou quant à l’importance de la stabilité des services financiers non bancaires en Suisse.

Conseils de placement et gestion des risques de la BNS sur le marché immobilier

Depuis des années également, la BNS attire notre attention sur les risques élevés qui persistent sur le marché de l’immobilier et des hypothèques. Dans une sorte de conseil de placement, la BNS quantifie la surévaluation du marché immobilier par rapport au niveau des prix expliqué par des facteurs fondamentaux à environ 10 à 35 pour cent. La décision de la BNS en matière de taux d’intérêt devrait maintenant créer un peu de mouvement, notamment dans le segment des immeubles de rapport sensibles aux taux d’intérêt.

Lors de la conférence de presse de la BNS sur son évaluation de la situation en matière de politique monétaire, le vice-président Fritz Zurbrügg s'est toutefois voulu rassurant. Une telle hausse des taux d’intérêt n’entraînerait pas un effondrement des prix et devrait même atténuer les risques dans le secteur immobilier. A l’inverse, il est clair que la politique de taux bas menée pendant de nombreuses années par la BNS a contribué à alimenter les prix de l’immobilier, mais que les banques ont dû supporter le poids des contraintes macroprudentielles qui ont été renforcées par la suite.

Ainsi, les banques ont considérablement réduit leurs risques en se basant sur l’autorégulation de l’Association suisse des banquiers, autorégulation renforcée depuis 2020. La part des nouvelles hypothèques pour les immeubles de rapport avec un nantissement de plus de 75% a baissé d’un bon tiers l’année dernière.

Nouvelle ouverture de la BNS?

Néanmoins, l’évaluation de la BNS concernant les risques dans les domaines de la viabilité et de l’évaluation reste globalement inchangée. Il est toutefois remarquable et louable qu’elle fasse désormais plus explicitement référence aux limites de son évaluation des risques.

Ainsi, elle relativise son estimation concernant le logement en propriété à usage personnel en évoquant le glissement de la demande vers des logements plus grands en raison de la pandémie et la rareté de l’offre en Suisse. Plus significatif encore est le constat implicite que les données d’analyse ne permettent qu’une approximation des risques réels. La pertinence de l’analyse de la BNS, notamment en ce qui concerne la capacité financière, est également limitée dans la mesure où seul le revenu du débiteur hypothécaire est pris en compte, sans tenir compte du patrimoine éventuellement disponible. La BNS constate elle-même à ce sujet: «En réalité, les emprunteurs peuvent disposer de ressources financières supplémentaires substantielles, ce qui pourrait avoir des implications pour la résilience financière.»

Cette nouvelle ouverture de la BNS à une reconnaissance plus large des facteurs pertinents, régulièrement demandée par la branche (voir article), est à saluer. C’est précisément pour cette raison que l’annonce de la BNS, qui envisage actuellement de nouvelles mesures réglementaires, nous laisse perplexes.

Dans le contexte des réductions de risques mentionnées, de la hausse des taux directeurs, de la récente réactivation et de l’augmentation du volant anticyclique de fonds propres, ainsi que de l’approche de la mise en œuvre de Bâle III Final, une telle annonce est totalement hors de propos. Il reste à espérer que cette nouvelle ouverture se traduira également dans l’évaluation des besoins en matière de réglementation.

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Rédacteurs

Martin Hess
Chief Economist
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Remo Kübler
Responsable Recherche & Immobilier
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