Opinions
29.04.2020

Open banking: l’interface client en ligne de mire

La lutte pour l’interface client prend de l’ampleur dans le secteur bancaire. A l’avenir, de plus en plus, c’est un écosystème composé de banques, d’entreprises Fintech et d’autres prestataires qui procurera aux clients les services financiers dont ils ont besoin. Les banques suisses sont au pied du mur – mais veulent être sur un pied d’égalité. Car la confiance, la sécurité et la qualité resteront les piliers porteurs de la place bancaire suisse.
Article deRichard Hess

Les banques suisses sont aux avant-postes

Rapidité, simplicité, confort: telles sont nos attentes lorsque nous effectuons nos opérations financières quotidiennes. Ces opérations passent de plus en plus par cette petite merveille de technologie qui nous accompagne partout, le smartphone, comme le confirme une étude récente réalisée par l’Université de Lucerne et ti&m. Les banques suisses, en termes d’offres mobiles, tiennent leur rang sur la scène internationale. Une autre étude récente, réalisée celle-ci par Capco, leur décerne une bonne note par rapport à leurs concurrentes européennes, en particulier dans les domaines du trafic des paiements et de la gestion des finances personnelles. Reste à savoir pour combien de temps.

La lutte pour l’interface client prend de l’ampleur

Le secteur bancaire connaît une mutation structurelle durable. La concurrence s’accroît, notamment dans le segment de la clientèle privée. Outre les banques établies, de nouveaux prestataires s’imposent lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins courants, comme effectuer des virements ou consulter ses comptes. Les banques numériques conditionnent les attentes des clients en termes de fonctionnalités et de prix. Les «big tech», quant à elles, renforcent leur position à l’interface client dans le domaine du trafic des paiements. Enfin, les entreprises Fintech proposent des prestations innovantes en matière de gestion de fortune et de prévoyance, par exemple. Est-ce un danger pour les banques? Pas nécessairement.

A l’avenir, pour leurs produits financiers, les clients se limiteront de moins en moins à un seul prestataire – et se tourneront de plus en plus vers ceux qui leur proposent l’offre la meilleure pour eux. Toutefois, loin de se contenter de produits financiers simples et personnalisés, ils resteront attachés à la sécurité, à la confiance et à la protection des données personnelles. Et c’est sur ce terrain que les banques suisses bénéficient d’un contexte idéal, avec d’excellentes conditions-cadres.

Les banques sont prêtes à coopérer

Grâce à des coopérations avec les entreprises Fintech, mais aussi entre elles, les banques suisses ont la possibilité de consolider leurs relations de clientèle existantes en intégrant des produits et services innovants dans leurs propres offres. L’étude annuelle IFZ Fintech ne manque pas de relever ce potentiel. Selon le modèle d’affaires, cela peut parfaitement se faire de manière indirecte et/ou en arrière-plan.

La bonne nouvelle, c’est que les banques suisses ont perçu les signes de l’époque. Dans la récente prise de position de l’ASB sur l’open banking, elles soulignent le potentiel que recèlent l’ouverture des interfaces ainsi que la coopération avec les entreprises Fintech et entre banques. L’élément décisif est que cela permet de générer ensemble une valeur ajoutée pour les clients, et ce sur la base de solutions faisant appel aux mécanismes de marché. Réglementer et imposer l’ouverture des interfaces – sur le modèle de la PSD2 au sein de l’UE – serait à coup sûr la mauvaise approche pour promouvoir la coopération dans l’écosystème: la contrainte a rarement été jusqu’ici un facteur de coopération durable et d’avantages clients.

Poser les jalons maintenant

Il importe de poser dès à présent les jalons qui permettront d’orienter l’évolution de l’écosystème financier suisse dans la bonne direction:

  • Adopter un état d’esprit et une stratégie appropriés: la coopération au sein d’un écosystème partenarial est avant tout une question de stratégie et non de technique. Elle exige de chacun des établissements qu’il s’interroge dans une perspective stratégique sur les futures modalités de gestion des données clients et d’échange de ces données au sein de l’écosystème. Cela nécessite bien souvent un changement d’état d’esprit. Les banques suisses doivent être conscientes du rôle important qu’elles jouent dans l’écosystème et, au besoin, adapter leur stratégie en conséquence.
  • Préserver des conditions-cadres optimales: seule la liberté contractuelle permet de faire en sorte que l’open banking soit mis en œuvre de manière à optimiser les avantages clients. Au vu des restrictions imposées unilatéralement, telles celles résultant de la PSD2 en Europe, il apparaît que l’on n’obtient pas des applications à valeur ajoutée en réglementant. De nouvelles opportunités seraient toutefois créées si l'ouverture s'appliquait de la même manière à tous les acteurs du marché, en particulier aux grandes entreprises technologiques. Pour le régulateur suisse, il n’y a pas lieu d’intervenir à cet égard pour le moment, dans la mesure où l’écosystème est à même de se développer de manière optimale sans intervention réglementaire.
  • Eviter une standardisation fragmentée des API: le marché résout aussi les difficultés technologiques, comme la standardisation des interfaces (API). Celle-ci est essentielle pour que les échanges de données soient performants et, surtout, sécurisés. Les travaux effectués en la matière à l’échelon international, comme ceux du Berlin Group, sont également pertinents pour la Suisse. Dans notre pays, des initiatives prometteuses permettent des avancées en matière de standardisation, notamment les travaux de SFTI sur la common API, la plateforme b.Link de SIX ou le site Internet openbankingproject.ch. Si l’initiative Common API vise une standardisation des API à la fois dans le secteur bancaire et dans celui des assurances, le projet b.Link fait un pas de plus en cherchant à mettre directement en relation les banques et les entreprises Fintech via une plateforme opérationnelle. Mais sur le marché suisse, qui est restreint, il faut éviter toute fragmentation supplémentaire. Bien que les initiatives susmentionnées ne poursuivent pas toutes les mêmes objectifs, elles devront – comme le secteur bancaire lui-même – coordonner autant que possible leurs travaux à venir, afin que l’écosystème financier suisse dispose sans tarder de normes harmonisées et sécurisées.

La confiance, la sécurité et la qualité resteront à l’avenir les piliers porteurs de la place bancaire suisse. Les banques suisses misent sur leurs atouts et coopèrent avec des partenaires innovants: elles sont sur la bonne voie. A présent il leur faut faire un pas après l’autre.

Rédacteurs

Richard Hess
Responsable Digital Finance
+41 58 330 62 51