Face à la crise du coronavirus: le pragmatisme
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Cet article à été actualisé le 03/04/2020 en raison des évènements récents.
Sur le front épidémiologique, les chiffres sont encourageants. La courbe des nouvelles contaminations commence à s’infléchir. Mais sur le front économique, nous ne sommes qu’au début d’une période qui s’annonce difficile.
Des perspectives économiques peu engageantes
L’impact économique du COVID-19 se chiffrera en milliards et la Suisse n’échappera probablement pas à une récession. Le SECO a ramené à -1,5 % ses prévisions de croissance pour 2020, sachant que celles-ci sont grevées de lourdes incertitudes. Ce recul, dans une première phase, est surtout le fait des secteurs économiques directement affectés par la crise du coronavirus, en particulier les PME.
Mais à plus long terme, aucun des acteurs de l’économie ne sera épargné. On le voit sur les marchés financiers nationaux et internationaux, où les évaluations des entreprises ont été fortement revues à la baisse. La volatilité indique combien il est difficile d’anticiper la tournure que prendront les événements. Ainsi, les effets secondaires de la destruction de valeur massive liée à la pandémie sont quasiment impossibles à appréhender aujourd’hui.
Lutter pour ne pas sombrer
A très brève échéance, l’enjeu est d’éviter que des milliers de PME suisses deviennent insolvables en raison des pertes de revenus qu’elles subissent. Aussi nos autorités ont-elles pris sans tarder un train de mesures destiné à atténuer les risques. Afin d’obtenir des effets rapides, elles ont privilégié des instruments de politique économique qui ont fait leurs preuves par le passé.
Cette approche pragmatique est pertinente. Les instruments retenus ne nécessitent pas la mise en place d’une bureaucratie excessive et les autorités les ont déjà largement expérimentés, de sorte qu’elles ont une bonne visibilité sur leur efficacité. La nouveauté, ce sont les modalités de mise en œuvre et l’ampleur des mesures prises.
Le train de mesures du Conseil fédéral met à disposition quelque CHF 60 milliards. Il comprend des aides aux entreprises sous forme de liquidités, l’extension du chômage partiel et la simplification des démarches, des indemnités en cas de perte de gain pour les indépendants ainsi que des aides immédiates pour les secteurs culturel, sportif et touristique.
Les banques au cœur du dispositif
Il était clair d’emblée que les banques joueraient un rôle majeur dans le dispositif d’aide arrêté par le Conseil fédéral. La Confédération garantit en effet à hauteur de CHF 20 milliards les crédits accordés aux entreprises pour surmonter leurs difficultés financières, ce qui représente la moitié des fonds engagés dans le cadre du train de mesures: le programme de crédits transitoires cautionnés pour les PME, annoncé par le Conseil fédéral le 20 mars 2020, est la mesure principale dans l’arsenal déployé contre une insolvabilité à grande échelle des entreprises concernées. Le 3 avril 2020, le Conseil fédéral a décidé de relever le volume des cautionnements liés au pro-gramme de crédits aux PME et de le porter à CHF 40 milliards au total.
Les deux facilités de crédit (crédit COVID-19 et crédit COVID-19 Plus) se fondent sur les structures existantes des organisations de cautionnement pour fournir aux PME confrontées à des pénuries de liquidités une aide rapide et simple sous forme de crédits.
Les banques assument leur responsabilité de fournisseurs de crédit à l’économie. L’Association suisse des banquiers (ASB) a appelé toutes les banques exerçant des activités de crédit à participer au programme. Celles-ci disposent de solides volants de fonds propres et de liquidités suffisantes. Le système financier a donc la capacité de répondre aux besoins de l’économie et de la population suisses dans cette situation difficile.
C’est ce que confirment la FINMA et la BNS. Cette dernière a renforcé les banques dans leur rôle de fournisseurs de crédit, d’une part, en relevant les limites d’exonération, ce qui réduit la charge liée aux taux d’intérêt négatifs, et, d’autre part, en mettant temporairement à disposition une facilité permanente illimitée (facilité de refinancement BNS-COVID-19, FRC). Par ailleurs, la FINMA a permis provisoirement aux banques de calculer le ratio d’endettement sans les avoirs auprès de banques centrales et le Conseil fédéral a désactivé le volant anticyclique de fonds propres, ce qui accroît la marge de manœuvre des banques en matière de crédit1.
Des débuts concluants
A ce jour, 119 banques ont mis en ligne des plateformes de demande de crédit en un temps record et considérablement renforcé leurs équipes pour traiter ces demandes. L’expérience des premiers jours montre que le système a bien résisté à l’«assaut». Dans cette première phase décisive, les banques ont largement contribué à éviter d’innombrables cas de rigueur ainsi que des dommages économiques importants: elles ont été à la hauteur des exigences et des attentes.
Un immense défi à relever
On voit aujourd’hui qu’il est plus facile pour les CFF de réduire la circulation des trains que de l’augmenter – on verra demain qu’il est plus facile pour les entreprises de diminuer leur capacité de production que de revenir à un fonctionnement à plein régime, car cela nécessite à la fois une remise en marche des chaînes d’approvisionnement et un regain de demande. Le Conseil fédéral a souligné à plusieurs reprises qu’il tenait à minimiser les dégâts.
Dans le meilleur des cas, les dépenses de consommation ou d’investissement non effectuées pendant la période de lockdown seront rattrapées. Le SECO est optimiste. Ses prévisions de croissance pour 2021 sont supérieures à la moyenne, à +3,3 %. Mais cela suppose qu’en Suisse comme à l’étranger, les dispositifs sanitaires comme les mesures de politique économique soient mis en œuvre efficacement.
1 L’article intitulé Rapides, simples, efficaces: les crédits COVID-19 pour les PME, publié dans ce numéro d’insight, vous en dira plus sur le train de mesures.